Dans une décision retentissante du 19 juin 2014, le Conseil d’Etat vient de faire entrer dans le champ des libertés fondamentales le droit pour un agent de ne pas être soumis à des faits de harcèlement moral. (CE ord. réf. 19 juin 2014, n°381061)

Cette décision est particulièrement innovante et ouvre la voie d’une nouvelle action judiciaire dans le cadre de la lutte contre le harcèlement moral.

Sur le plan de la procédure tout d’abord, les agents soumis à des faits de harcèlement avérés pourront faire cesser les atteintes qu’ils subissent sous 48 heures. En effet, il s’agit de la procédure de référé-liberté ouverte par l’article L521-2 du code de justice administrative aux termes duquel « saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

Il faut prouver :

–       la situation d’urgence,

–       une liberté fondamentale,

–       une atteinte grave et manifestement illégale.

Le juge a l’obligation de statuer dans les 48 heures ce qui réduit considérablement les délais d’examen des recours administratifs classiques (en moyenne 16 mois). C’est la première fois qu’une action urgente est ouverte aux agents en situation de harcèlement moral.

Sur le fond ensuite, la reconnaissance du droit d’exercer ses fonctions dans des conditions de travail préservant la sécurité mentale est une avancée considérable pour le droit de la fonction publique. Il existe désormais un vrai droit à la sécurité physique et mentale au travail. Pour l’instant, le juge administratif s’est prononcé uniquement sur les faits de harcèlement moral mais on pourrait espérer qu’il évolue vers une protection plus générale liée à la souffrance au travail, responsabilité de l’administration employeur.

Cette décision ouvre une nouvelle voie procédurale expresse permettant aux agents subissant des atteintes graves de faire prononcer des mesures provisoires rapidement et de mettre fin aux agissements qu’ils subissent. Jusqu’à présent, l’exercice du droit de retrait, en cas de danger grave et imminent, était quasi peu mis en œuvre dans les cas de harcèlement moral. En reconnaissant ce droit, le Conseil d’Etat reconnaît la gravité des agissements de harcèlement moral et l’urgence d’y mettre fin.

Toutefois, l’action du référé-liberté est à manier avec précaution et ne se justifiera que dans le cas d’atteintes extrêmement graves et manifestement illégales. En l’espèce, une juridiction avait déjà reconnu des faits de harcèlement moral qui perduraient, le juge n’ayant pas eu à se prononcer au fond sur l’existence ou non de ce harcèlement. Il reste à voir comment les tribunaux vont interpréter cette nouvelle jurisprudence et il est à espérer que ces procédures rapides permettront de mettre fin à des pratiques extrêmement préjudiciables contre lesquelles jusqu’à maintenant, les agents disposaient de peu d’actions rapides.