Qu’est-ce qu’une carte prépayée?

C’est un support de monnaie dématérialisée qui permet d’acheter des biens ou services hors du système bancaire traditionnel de la carte bancaire. La carte prépayée nécessite un chargement initial, souvent sur internet ou dans des bornes de recharge, qui permet de stocker de la monnaie électronique sur la carte. Dans le cadre d’un réseau de commerçants qui accepte ce système de paiement, il sera alors possible d’acheter un bien ou un service en procédant au retrait des unités correspondantes sur la carte, unités virtuelles ou unités monétiques dans la monnaie du pays où elle est utilisée.

Par exemple, une carte peut être créditée de 50 unités pour 50 euros, une unité équivalant à 1 euro, ou la carte sera créditée directement en euros. En revanche, quel que soit le nombre d’unités, il doit correspondre à un montant égal à celui du chargement.

Cette opération nécessite l’intervention  d’une ou deux banques. La première procèdera aux opérations de chargement, la seconde aux opérations de paiement du consommateur. On parle alors d’opération à 4 coins. Si la banque du commerçant et du support dématérialisé/consommateur est la même, on parlera d’opération à 3 coins. En tout état de cause, la carte prépayée se superpose sur le système bancaire traditionnel puisque le chargement et le paiement ne peuvent se faire que par des établissements de crédit ou de monnaie électronique.

Le retrait correspondant au paiement du prix peut se faire comme pour une carte bancaire via un terminal, ou sans contact par la technologie NFC, par le simple passage de la carte  à quelques centimètres d’une borne qui va la lire et procéder à la déduction des unités. A Hong Kong par exemple, la carte de métro , de tramway et de bus “Octopus”, permet de payer de petits services dans un réseau de commerçants de proximité (café, journal, snacks…) par la technologie du sans contact, ce qui existe également dans de nombreux pays asiatiques comme la Corée ou le Japon.

Facebook tire ses revenus essentiellement de la publicité. Ainsi au dernier trimestre 2013, les recettes publicitaires s’élevaient à environ 986 millions d’euros (1,33 milliard de dollars – source Le Monde “FB teste une carte prépayée aux Etats-Unis” – 5 février 2013). Après avoir introduit un service d’achat groupé puis de jeu d’argent et d’offre à la vente de cadeaux physiques, c’est tout naturellement sur le modèle des géants américains google, amazone et e-bay que Facebook recherche à développer son business model dans la monétique.

Rappelons que Paypal appartient à e-bay et constitue l’un des plus grands réseaux, en parallèle des systèmes bancaires, de paiement. Il s’est largement étendu au-delà d’e-bay depuis quelques années.

Ce service proposé par FB n’est pour l’instant disponible qu’aux Etats-Unis. En Europe et en France tout particulièrement, la nouvelle directive monnaie électronique transposée le 28 janvier 2013  après presque 2 ans de retard, va peut-être permettre de lancer ce marché encore extrêmement balbutiant. Les raisons en sont multiples: méfiance du consommateur, poids prédominant de la carte bancaire, lobbying bancaire, obligations de sécurité et de traçabilité des fonds souvent trop lourdes pour des sociétés non issues du domaine bancaire…pourtant l’Europe a érigé le commerce électronique et l’économie numérique au premier rang des leviers de croissance pour les 20 prochaines années.

Quel est l’intérêt d’un tel support? Il est surtout indispensable, pour des sociétés comme Facebook, qui regroupent de nombreux membres (environ un milliard à ce jour) de transformer ces potentiels consommateurs en vrais consommateurs, alors que l’adhésion au réseau est gratuite. A travers un ciblage précis publicitaire tiré des goûts et intérêts de chaque membre, c’est tout naturellement que le réseau social peut proposer un ensemble de produits en partenariat avec des commerçants et tirer ainsi des bénéfices, via un système de commissions, de cet apport d’affaires.

Finalement, le business model est assez classique et se transpose à l’évolution des rapports économiques de plus en plus dématérialisés. Peut-être faut-il attendre encore quelques années que les esprits s’habituent à ce nouveau type de support  favorisant des échanges plus rapides. Des efforts en termes de sécurité sont encore à faire, mais tout le monde aurait à y gagner, notamment les consommateurs sur le terrain des frais bancaires dont les banques conservent encore le monopole. En revanche, si sur le plan économique, la carte prépayée présente un avantage certain, c’est sous réserve des débats nombreux relatifs au traitement des données personnelles et à la préservation du “libre arbitre économique” qui est de permettre au consommateur d’avoir un choix éclairé dans les produits qu’il entend acheter et non suggéré voire facilité.

Dans un contexte de crise ressentie tant au niveau de la consommation que de la confiance dans un système bancaire largement ébranlé, la percée silencieuse, complexe mais amorcée des supports de paiement dématérialisés continue d’évoluer et d’intéresser les plus grands acteurs du numérique. Chaque année est annoncé le lancement du m-commerce, le commerce sur le mobile, sans que toutefois cette révolution ne se soit réellement enclenchée. Observons en conséquence le développement aux Etats-Unis de la carte de Facebook. Il y a peu de chances que ce système soit implanté en France, cette dernière étant assez remarquée dans le milieu professionnel de la monétique pour n’être pas le pays le plus favorable au développement de ces supports. La raison principale est un blocage des banques, partenaires indispensables, qui considèrent que la carte prépayée oblige à une multiplication de micro-paiements lourds à gérer notamment en termes de traçabilité des fonds. Les banques titulaires d’un agrément renforcé sont en effet soumises à une obligation de résultat sur l’origine et la destination des fonds, opération rendue complexe par l’utilisation des cartes prépayées qui sont vendues par des intermédiaires soumis à de moindres obligations sécuritaires.

Il conviendra d’attendre quelques mois si le support prépayé mis en place par FB saura mieux se développer que la monnaie virtuelle que le réseau social avait instaurée puis  a fini par abandonner après quelques mois de mise en service. En tout état de cause, les tentatives sont nombreuses et ne manqueront pas de prospérer, peut-être en faisant évoluer la réglementation aussi vite que l’innovation: les débuts de la carte bancaire ont été également très difficiles alors qu’elle est devenue à ce jour l’instrument de paiement privilégié des échanges économiques.