Depuis le 1er novembre 2009, le droit français a vu naître un nouvel acteur sur le marché bancaire: l’établissement de paiement. (Voir notre étude dossier thématique: L’argent et les nouvelles technologies: monnaie électronique, e-facturation et services de paiement – la banque de demain)Créé par l’ordonnance du 15 juillet 2009 dont les dispositions sont codifiées aux articles L521-1 et suivants du code monétaire et financier, transposant ainsi les dispositions de la directive sur les services de paiement 2007/64/CE du 13 novembre 2007, l’établissement de paiement est destiné à ouvrir le marché bancaire et concurrencer les banques sur le terrain des services de paiement afin de préserver les droits des consommateurs.Le décret n°2009-934 du 29 juillet 2009 pris pour l’application de l’ordonnance du 15 juillet régit les conditions de fourniture des services de paiement. L’arrêté du 29 octobre 2009 vient préciser leur règlementation prudentielle.Que peut faire un établissement de paiement?

Activité à titre principal

Les établissements de paiement sont les personnes morales qui fournissent habituellement des services de paiement (article L522-1 code mon. et fin.), activité auparavant strictement bancaire.

Les opérations de banque comprennent désormais la réception de fonds du public, les opérations de crédit et la mise à disposition de moyens de paiement qui sont à distinguer des services de paiements ouverts aux établissements de paiement.

Les services de paiements sont ainsi définis à l’article L314-1 du code monétaire et financier comme:

  • le versement /retrait d’espèces et les opérations de gestion d’un compte de paiement,
  • Les prélèvements, les opérations de paiement effectuées avec une carte de paiement ou un dispositif similaire,
  • Les virements, y compris les ordres permanents,
  • Les prélèvements, paiements avec carte de paiement ou assimilé,et les virements associés à une ouverture de crédit,
  • L’émission d’instruments de paiement et / ou l’acquisition d’ordres de paiement,
  • Les services de transmission de fonds,
  • L’exécution d’opérations de paiement, lorsque le consentement du payeur est donné au moyen de tout dispositif de télécommunication, numérique ou informatique et que le paiement est adressé à l’opérateur du système ou du réseau de télécommunication ou informatique, agissant uniquement en qualité d’intermédiaire entre l’utilisateur de services de paiement et le fournisseur de biens ou services.

L’établissement de paiement peut également proposer des services de change, des services de garde, l’enregistrement et le traitement de données, la garantie de l’exécution d’opérations de paiement et l’octroi de crédits à l’exception d’opérations de découvert et d’escompte, sous certaines conditions.

Les établissements de paiement ne peuvent octroyer des crédits, dans les cas n° 4, 5 et 7 précités que sous certaines conditions expresses:

  • le crédit a un caractère accessoire et est octroyé exclusivement dans le cadre de l’exécution d’opérations de paiement que cet établissement de paiement réalise,
  • le crédit est remboursé dans un délai fixé par les parties et ne peut excéder 12 mois,
  • le crédit n’est pas octroyé sur la base des fonds reçus ou détenus par l’établissement en vue d’exécuter des opérations de paiement mais uniquement sur ses fonds propres,
  • les crédits sont soumis aux dispositions du code de la consommation si applicables,
  • le crédit est octroyé à un client avec lequel l’établissement de paiement est lié par un contrat cadre de services de paiement (avec possibilité de dérogations si le client est un professionnel)
Activité accessoire: les établissements “hybrides”Sous réserve de compatibilité avec l’activité principale exercée, les établissements de paiement peuvent exercer à titre habituel une activité autre que la prestation de services de paiement. (article L522-3 code mon. et fin.)Les modalités d’exercice sont précisées aux articles 43 à 45 de l’arrêté du 29 octobre 2009.Qu’est-ce qui distingue l’établissement de paiement de l’établissement de crédit?

L’établissement de paiement ouvre des comptes de paiement destinés exclusivement aux services de paiement qu’il propose à ses clients. Contrairement aux établissements de crédit, les établissements de paiement ne peuvent pas placer ces fonds en leur nom et même temporairement dans un produit d’épargne ou d’investissement. En ce sens, ils ne constituent pas des fonds reçus du public ni des fonds représentatifs de monnaie électronique.

Conformément à l’article L522-4 du code monétaire et financier, l’établissement de paiement, contrairement aux établissements de crédit, ne peut pas disposer des fonds perçus pour son propre compte, ni les utiliser pour octroyer des crédits.

Comment peut-on créer un établissement de paiement: formalités

Les article L522-6 à L522-13 du code monétaire et financier ainsi que les articles 2 à 5 de l’arrêté du 29 octobre 2009 définissent les conditions d’accès à la profession pour les établissements de paiement:

  • Etre une personne morale société commerciale avec des réserves dont la distribution est prohibée et toutes les sommes qui peuvent leur être assimilées,
  • Obtenir un agrément délivré par le comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) après avis de la Banque de France selon modèle et dossier publié au bulletin officiel CECEI et Commission bancaire,
  • Avoir un capital minimum de
  • 20.000 euros pour fournir des services de transmission de fonds,
  • 50.000 euros pour l’exécution d’opérations de paiement, lorsque le consentement du payeur est donné au moyen de tout dispositif de télécommunication, numérique ou informatique et que le paiement est adressé à l’opérateur du système ou du réseau de télécommunication ou informatique, agissant uniquement en qualité d’intermédiaire entre l’utilisateur de services de paiement et le fournisseur de biens ou services
  • 125.000 euros pour l’ensemble des autres services de paiement tels que répertoriés précédemment,
  • Adhérer à un organisme professionnel affilié à l’association française des établissements de crédit et des entreprises d’investissement,
Les établissements de paiement doivent par ailleurs offrir toutes garanties quant à la gouvernance d’entreprise, des procédures de contrôle efficaces, l’expérience et l’honorabilité des personnes déclarées comme responsables de la gestion des activités de services de paiement, une gestion saine et prudente…Le délai d’instruction de la demande d’agrément est de trois mois à compter du dépôt du dossier.Par ailleurs, tout établissement bancaire devra disposer d’un niveau de fonds propres minimal calculé selon l’une des trois méthodes développées dans l’arrêté du 29 octobre 2009, conformément à la directive services de paiement et offrir toute garanties financières de protection des fonds perçus dès le premier euro (la directive avait retenu un plancher de 600 euros) sous la forme d’un cautionnement auprès d’un établissement de crédit ou par la souscription d’une assurance.Les mêmes dispositions en matière de secret professionnel que les établissements de crédit sont applicables aux établissements de paiement.

Liberté contractuelle

Ne sont pas considérés comme mise à disposition ou gestion de moyens de paiement les activités suivantes:

  • réalisation  d’opérations de paiement exécutées au moyen d’un appareil de télécommunication ou autre dispositif numérique ou informatique si l’opérateur n’agit pas en seule qualité d’intermédiaire. C’est le cas si les biens ou services achetés sont livrés et doivent être utilisés au moyen de l’appareil: c’est le cas par exemple des paiements par téléphonie mobile,
  • opérations de paiement entre une entreprise mère et sa filiale ou entre filiales d’une même entreprise mère ou au sein d’un groupe, sans qu’aucun autre prestataire de services de paiement qu’une entreprise du même groupe ne fasse office d’intermédaire.
L’introduction de ces nouveaux acteurs sur le marché a pour objectif de varier les offres et faire diminuer les frais pour le consommateur en matière de services de paiement. La mise en pratique de ces textes permettra de prendre le recul nécessaire en matière de réelle innovation et ouverture de la concurrence. Pour autant, les dispositions relatives notamment à la monnaie électronique et à la facilitation de l’entrée sur le marché desdits acteurs permet en tout état de cause une réelle avancée. Il faudra vérifier dans quelle mesure la clientèle suivra cette innovation et combien d’entreprises se lanceront sur ce marché.