Le Télétravail a été LA mesure phare du confinement et reste le principe, lorsqu’il est possible, pour de longues semaines encore.

Mais qu’en est-il dans la réalité?

Si travailler de n’importe où paraît possible dans l’idéal et en particulier en entreprise à l’ère du numérique et des sociétés de service, tous les postes ne sont pas éligibles, les installations peuvent poser des problèmes de sécurité d’accès aux données et le contrôle des tâches effectuées peut générer des tensions et conflits, quand la difficile frontière entre le bureau et la maison peut aussi conduire à des situations de burn-out et d’addiction.

Sans parler que les métiers où l’humain est incontournable comme la culture, la musique, le cinéma, le théâtre, le commerce de proximité ou la restauration sont totalement exclus de ces réflexions. Cela en dit long aussi sur la façon dont nos sociétés envisagent le rapport humain et rappelle les théories de lean-management.

Si le travail était traditionnellement considéré comme un univers en soi avec son lot de rencontres, de convivialité mais aussi de culture du désaccord, les frontières se décloisonnent. L’entreprise comme les services publics semblent devenir de plus en plus une affaire de connexion à un système d’information.

Le monde du travail est en plein bouleversement.

Il pose aussi la question de la fracture sociale entre les emplois éligibles et ceux qui ne le sont pas, ces derniers travailleurs étant contraints parfois à une surexposition au risque physique et sanitaire ou placés en chômage partiel le temps de la crise ce qui peut générer un sentiment d’exclusion. Il pose aussi la question des moyens et l’épanouissement que certains y trouveront quand d’autres le vivront comme un isolement ou une punition.

En clair, la question sur le long terme n’est pas si simple.

L’un des problèmes majeurs posés par l’organisation de la Justice durant l’Etat d’urgence sanitaire est justement celui du sous-équipement en ordinateurs des greffiers et du manque de systèmes d’information performants permettant le partage sécurisé de données. Alors que la Justice introduit progressivement l’intelligence artificielle dans son mode de fonctionnement, elle souffre pourtant cruellement d’un manques de moyens, notamment en informatique.

Sur ce point, nous renvoyons à notre dossier spécial Etat d’urgence sanitaire: impact sur la Justice.

Nous avons en conséquence décidé de dédier un dossier complet aux nouveaux enjeux du télétravail, dans les administrations et en entreprise, afin d’analyser à la fois les droits des agents et salariés, les défis posés à l’employeur mais aussi les risques psychosociaux qui peuvent y être liés et la difficile conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle en l’absence de garde d’enfant, d’école ou de réunions collectives. Le caractère invasif des nouvelles technologies est également un élément à surveiller, afin d’éviter des mécanismes d’addiction et de stress en privilégiant le droit à la déconnexion. A ce sujet, l’analyse de l’exploitation des neurosciences dans les réseaux sociaux ou applications collaboratives est un bon indicateur de compréhension de ces phénomènes.

Le décret n°20202-524 du 5 mai 2020 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature vient d’adapter en urgence la possibilité d’avoir recours au télétravail dans la fonction publique, alors que la plupart des services y était soit réticente, soit dans l’incapacité d’équiper les personnels.

Bref, tout un droit et surtout des usages à construire.

Nous renvoyons, dans l’attente de notre analyse complète, aux dossiers de l’INRS :

Et pour patienter, nous ne résistons pas à l’envie de vous faire partager un article de la revue Books sur le monde du travail à travers la littérature: “Erotique de l’openspace“: “Sade serait-il le précurseur du « roman de bureau » ? Dans Les Cent Vingt Journées de Sodome, quatre aristocrates s’enferment dans une forteresse pour assouvir leur fureur lubrique. Avec son règlement intérieur, son organisation du travail, ses rapports hiérarchiques, la vie au château ressemble à s’y méprendre à la vie en entreprise.”