Depuis l’entrée en vigueur au 1er novembre 2009 de l’ordonnance du 15 juillet 2009 qui a créé les établissements de paiement (voir un nouvel acteur sur le marché bancaire français: l’établissement de paiement), de nombreuses start-up du secteur para-bancaire et des nouvelles technologies se sont intéressées à ce statut sans pour autant parvenir à obtenir l’agrément auprès de l’Autorité de Contrôle Prudentiel.

De nombreuses barrières institutionnelles ou structurelles empêchent la majeure partie des structures innovantes de développer en interne ce qu’elles externalisent aujourd’hui auprès d’établissements de crédit français ou d’établissements agréés monnaie électronique en Belgique, en Angleterre ou au Luxembourg pour la plupart.

Les raisons sont multiples: frilosité institutionnelle, manque de maturité du marché français, exigences réglementaires encore trop lourdes, inexpérience des candidats dans le secteur bancaire…

Néanmoins, l’intégration en droit interne de la directive services des paiements avait pour objectif notamment d’ouvrir à la concurrence le marché des services de paiement jadis réservé au monopole des banques. Dans un contexte de crise financière et de méfiance institutionnelle vis-à-vis des établissements de crédit, il devient urgent de développer au stade des petites entreprises innovantes une réglementation pourtant existante, au service à la fois du droit des consommateurs et de l’adéquation de l’économie avec le développement rapide des nouvelles technologies.

L’actualité récente à la fois des travaux parlementaires et de la réglementation institutionnelle (CNIL, ACP, TRACFIN..) permet d’interpréter le code monétaire et financier (articles L522-1 et suivants) de façon de plus en plus opérationnelle et pragmatique ce qui devrait permettre de donner de nouvelles clefs aux candidats à l’agrément.

 L’instruction ACP 2011-I-17 du 23 novembre 2011 publiée le 1er décembre 2011 a modifié le formulaire de demande d’agrément des établissements de paiement. La difficulté de la phase rédactionnelle du formulaire tient notamment à la complexité des procédures à mettre en place au regard des exigences de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, le recrutement et la formation des agents ainsi que l’audit et le contrôle interne.

Cette instruction précise et modifie les points suivants:

  • calcul des exigences en fonds propres (définition de l’assiette)
  • contrôle des agents et autres prestataires de services,
  • nature du dispositif mis en place au titre du contrôle interne,
  • LBC-FT
  • précisions sur la description de l’architecture technique des services de paiement envisagés
  • sécurité des moyens techniques et analyse de risques
  • gestion de la sous-traitance.

Globalement, le formulaire détaille plus amplement les exigences de l’ACP quant aux process sécuritaires à mettre en place au sein du futur établissement de paiement, points techniques tant en termes financier que juridique parfois méconnus ou peu maîtrisés par les opérationnels plus au fait du développement d’applications technologiques que des exigences de sécurité qui peuvent découler de ces transferts de fonds.Ces précisions sont naturellement essentielles pour comprendre la nature même de l’activité de prestataire de service de paiements qui reste une activité réglementée et qui ne peut pas s’improviser.De même, une instruction ACP 2011-I-15 en date du 7 novembre 2011 est venue préciser les tableaux blanchiment de l’annexe de l’instruction 2000-09 relative aux informations sur le dispositif de prévention du blanchiment de capitaux et du financement des activités terroristes et l’instruction n°2010-08 concernant plus particulièrement les établissements de paiement.La CNIL a, de son côté, rendu une délibération n°2011-180 le 16 juin 2011 portant autorisation unique de traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre notamment par les établissements de paiement relatifs à la LBC-FT ainsi qu’à l’application de sanctions financières.Le 8 mars 2011, le député Marc GOUA a formulé une question écrite à Mme le Ministre de l’Economie et des Finances et de l’Industrie sur la non-conformité des dispositions nationales avec la directive DSP 2007/64/CE relative aux services de paiement. Ainsi, le député GOUA a justement souligné que conformément aux dispositions de l’article L440-2 du code monétaire et financier, seuls les établissements de crédit sont autorisés à adhérer aux chambres de compensation, “empêchant les établissements de paiement d’accéder aux infrastructures techniques des systèmes de compensation des moyens de paiement et par conséquent d’accéder au marché des services de paiement en contradiction avec les articles L522-1 et suivants du code précité.”Le 5 juillet 2011, le MInstère a confirmé que “l’ensemble des systèmes de paiement en France sont des systèmes notifiés auxquels seuls les établissements de crédit ont accès. Ce cadre juridique est justifié par le fait qu’à l’heure actuelle, les établissements de crédit bénéficient des conditions de sécurité et de solidarité de place suffisant pour gérer les conséquences qu’implique l’adhésion aux systèmes de compensation.”Le Ministère précise par ailleurs que les Etablissement de Paiement peuvent avoir accès à ces systèmes en s’associant à des acteurs bancaires tout en constatant qu’à terme, une telle situation crée forcément une distorsion de concurrence et un fein à l’innovation.Des travaux sont en cours sous l’égide du comité français d’organisation et de normalisation bancaire (CFONB). Néanmoins, cette situation constitue le frein principal  à l’entrée sur le marché des structures innovantes qui, sans partenariat solide avec un établissement de crédit ou assimilé, ne pourront pas exercer, tout en étant une fois encore dépendantes des tarifs et contraintes d’un tel partenariat.La shizophrénie d’une telle situation implique qu’à ce jour, un établissement de paiement devra soit couvrir par une assurance spéciale son activité – produits d’assurance qui à ce jour n’existent pas – soit ouvrir ses comptes au sein d’un établissement bancaire pour assurer la transmission des fonds. Ainsi, la nouvelle réglementation laisse faussement penser que les tarifs bancaires sont ouverts à la concurrence en matière de service de paiement, or en pratique, un nouvel intermédiaire vient s’interposer entre le consommateur et la banque ce qui peut générer un coût complémentaire, ces nouveaux intermédiaires ayant de leur côté peu de marge de manoeuvre quant à la négociation à la baisse des commissions auprès de leur partenaire.En effet, le concept “nouvelles technologies” des nouveaux moyens de paiement dématérialisé paraît être plus un outil marketing qu’un véritable moyen de révolutionner les échanges monétaires, compte tenu de la superposition des intermédiaires.Il ne s’agissait pourtant pas de l’esprit de la directive services de paiement.En conséquence, une vraie révolution en profondeur du système de l’échange et du transfert de fonds s’impose, qui impliquerait moins les établissements de crédit mais qui en contrepartie, assurerait autant de sécurité et de contrôle, au service des consommateurs, dans un climat mondial actuel de méfiance.La France qui, par ailleurs, devait introduire la directive monnaie électronique 2 avant le 30 avril 2011 par la voie d’une ordonnance ne s’est toujours pas conformée aux exigences communautaires de transposition, laissant dans l’attente un marché qui ne demande qu’à se développer. Affaire à suivre en 2012, espérons.